Naviguer au Spitzberg, territoire des ours polaires Une aventure polaire

POur certains, les mondes polaires ne representent rien d’autre que froid et désolation. pour moi, cet univers brut, territoire des ours BLANCS, avait toujours fait partie des destinations EN Tête de ma liste.    

Et c’est ainsi qu’Aliénor et moi y sommes partis pour une croisière à la recherche des ours polaires durant l’été. Mon but ici n’est pas de vous détailler ce qu’est le Spitzberg, ni de vous donner des informations sur ce que l’on peut y faire. Pour cela, le site du Ministère norvégien du Tourisme fera bien mieux que moi, et c’est ici. Je souhaite simplement vous faire part de mes impressions sur cette croisière exceptionnelle réalisée avec l’agence Grands Espaces.

Un mauvais départ

Les choses avaient plutôt mal commencé, puisqu’un problème technique sur l’avion qui devait nous acheminer à Longyearbyen directement a retardé notre départ. Parce que c’est vrai, n’atterrit pas au Spitzberg n’importe quel avion. Il faut un équipement particulier, puis un pilote comme un équipage spécialement formés à atterrir là haut. Enfin oui, on ne se rend pas si facilement au delà du 74e parallèle. De la capitale administrative de l’archipel, le pôle nord n’est plus qu’à 1300 kilomètres environ. Alors je reprends. L’avion a un problème, donc on attend, et comme l’attente fini par durer, on se retrouve à l’Ibis de Roissy en espérant que l’appareil puisse être réparé rapidement. Seulement voilà, cela semble plus compliqué que prévu. Une situation aggravée par le 14 juillet et la fin de la coupe du monde de football qui font de cette période l’une des plus chargées de l’année, dans les airs également. Autant dire que trouver l’appareil, le pilote et l’équipage adéquats en même temps à ce moment là est un effroyable casse tête. Et puis il y a aussi au Spitzberg, un groupe qui lui doit rentrer, avec notre avion !

Bref, on s’installe à l’Ibis et voilà que commence une des situations les plus cocasses que j’aie connu en voyage. Dormir dans l’un des hôtels de l’aéroport avant un vol tôt le matin suivant est une chose, s’y installer pour trois jours en est une autre. On a une salle de restaurant attitrée et le personnel nous nomme les « Emmerg », les « emmergencies » quoi, ceux qui sont dans l’urgence. Bref, nous partirons bien, pour un voyage raccourci et au sein d’un groupe moins nombreux. Les conditions et dédommagements pour partir ou rester ont été exposés clairement, et d’une manière très professionnelle. Alors nous avons le sourire en regagnant l’aérogare à deux pas, d’autant plus que cette attente impromptue nous a donné le loisir de faire connaissance.

Alors ok, je reprends. Grands Espaces est une agence créée il y a tout juste 20 ans par Christian Kempf et Marielle Suzeau. Pionnier du tourisme polaire et spécialiste incontesté de l’écologie arctique, Christian s’est vu remettre par le président de la République le prix interalliés et le prix de l’exploration. Même si d’autres grands sites naturels du monde sont aussi au catalogue,  son agence est aujourd’hui le leader européen de l’affrètement de brise-glaces et de bateaux polaires. Ses croisières se caractérisent par un encadrement par de nombreux experts. Ainsi avec nous à bord il y aura Christophe Bouchoux, le chef d’expédition, qui est aussi l’un de nos amis. Très grand voyageur, il est notamment, un spécialiste de l’histoire polaire. Et puis il y a Alain Debrosse, géologue, botaniste et biologiste ; Adrien Brun, ornithologue ; Anaïd Gouveneaux, spécialiste en études nordiques (elle a fait sa thèse sur la bioluminescence d’organismes planctoniques) ; Olivia Carpeille, spécialiste des mammifères marins ; Fabrice Capber, vétérinaire et spécialiste des mammifères ; Maxime Barthelme, photographe et pilote de drone de l’expédition ; Laurent Balp, anesthésiste réanimateur et médecin du groupe et Justine Forest et Noelline Becherel, qui coordonnent la croisière.  Et puis nos journées à l’Ibis nous ont permis de passer un peu de temps avec l’explorateur polaire Alban Michon. Alban passe une bonne partie de son temps sous l’eau, et si possible sous la glace. C’est avec lui que nous étions lors de la soirée de la coupe du monde de football, à regarder l’un de ses films : Le piège blanc. Pas facile à suivre tant les cris de joie se faisaient entendre à chaque but. Il accompagne cette fois des plongeurs pour Grands Espaces sur un autre bateau, mais nous nous reverrons au retour, puis sur Instagram. C’est un chouette mec qui ne manque pas d’humour et gagne à être connu.

Longyearbyen
À l’arrivée sur place, nous faisons un tour rapide de Longyearbyen, commenté par Alain Debrosse

Et puis nous embarquons, accueillis par notre ami Christophe, par le reste de l’équipe des guides et par l’équipage. Notre bateau pour les prochains jours est l’Ocean Nova. Un solide navire moderne pouvant accueillir 75 passagers et 33 membres d’équipage. On s’installe dans notre cabine confortable et on rejoint le salon d’observation qui dispose d’une vue magnifique sur l’extérieur par de grandes baies vitrées, et un accès direct au pont.

L'Ocean Nova est d'une taille raisonnable idéale pour ce type de croisière
L’Ocean Nova est d’une taille raisonnable idéale pour ce type de croisière

Alors à présent, plutôt que de vous dérouler un jour par jour, je préfère vous détailler, d’après cette courte expérience, les éléments qui d’après moi, justifie déjà largement un voyage au Spitzberg. On y va ?

Un environnement exceptionnel

Evidemment, si ce que vous aimez en vacances, c’est siroter un cocktail au soleil les pieds dans l’eau, ou que les paysages désertiques vous dépriment, oubliez ! Bien entendu, l’environnement sera différent en fonction de la saison à laquelle vous voyagez. Il y en a trois. L’été polaire, avec une journée qui s’étend de mai à septembre. L’hiver va pour sa part d’octobre à fin février, et à cette époque, vous ne verrez jamais le jour. Enfin la seconde partie de l’hiver permet de profiter des paysages enneigés propres à cette saison dans le grand nord avec le retour de la lumière. Elle s’étend de mars à mai, février et mars étant les mois les plus froids avec des températures pouvant descendre jusqu’à -40 degrés. Alors si vous rêvez de glaciers, de montagnes arides, de fjords et le cas échéant de la banquise, alors cette destination est à ajouter sur votre liste. Et il y a d’autres raisons encore !

Une faune INCROYABLE

Le Spitzberg est une destination parmi les plus exceptionnelles pour ce qui est de la faune. Et nous n’avons pas tardé à en voir la couleur puisque nous avons pu observer un groupe de bélougas (Delphinapterus leucas) mâles peu après avoir quitté Longyearbyen. Voir ces baleines est rare, et une observation d’un groupe aussi grand bien plus encore. Leur faible vitesse nous laisse tout le loisir de profiter du spectacle durant une bonne trentaine de minutes. Les choses commencent plutôt bien.

Un groupe de mâles a évolué un bon moment à faible distance de notre bateau
Un groupe de mâles a évolué un bon moment à faible distance de notre bateau

L’ours polaire (Ursus maritimus) vaut à mon avis lui seul le déplacement. Ce formidable animal pouvant peser plus de 700 kilos est le plus grand prédateur de l’Arctique; La population totale regrouperait 20 à 25 000 individus répartis en 19 populations distinctes. Je vous donne au bas de cet article plusieurs références, de sites internet notamment, pour compléter si vous le souhaitez vos connaissances sur le sujet. Rappelons simplement que ce carnivore terrestre ne se trouve qu’aux abords de l’océan arctique, autour du pôle nord. Ok, alors les ours ne se dénichent pour autant pas aussi facilement que les lions dans le parc du Masaï Mara, en Tanzanie. Durant l’été, ils sont relativement plus faciles à localiser sur les sol pierreux dénués de neiges et de glace en raison de leur pelage d’un blanc-jaune clair intense. Sur la glace par contre, c’est plus compliqué, même si leur truffe noire peut trahir leur présence.

Nous n’avons vu qu’un animal, mais quelle rencontre ! Nous sommes dans le fjord de Smeerenburg, et avons quitté le navire sur les zodiacs. L’objectif est d’approcher des morses et des phoques assez proches. Il s’est mis à pleuvoir et l’air est frais. Nous sommes parti depuis peu de temps quand Adrien, qui balaye le paysage avec ses jumelles a crié : « Ours » ! À l’oeil nu, trouver l’animal est difficile tant il était encore loin. Adrien qui ne le quitte pas des jumelles le voit alors se mettre à l’eau. L’ours polaire est un excellent nageur, ce qui explique son genre : Maritimus. Une femelle a parcouru 700 kilomètres dans l’eau, en neuf jours. Un effort incroyable auquel son petit qui l’accompagnait n’a pas survécu. Des efforts inhabituels de plus en plus fréquents pour les ours à la recherche de morceaux de banquise. En raison du réchauffement climatiques, les distances entre les plaques ne cessent de s’allonger, et il semble désormais fréquent que les ours doivent nager 50 kilomètres ou plus lors de leurs déplacements. Kris, qui pilote notre zodiac, a rapidement analysé la situation. En regardant la direction que prend l’animal, il estime l’endroit où il rejoindra la terre, et le temps approximatif qu’il lui faudra pour couvrir la distance. Suivant par ailleurs le principe qu’on approche jamais un ours à l’eau car il y est vulnérable et et ne pourrait fuir comme sur la terre ferme, il décide que nous irons en attendant voir les phoques. Une fois le message passé par talkie-walkie aux autres zodiacs, nous longeons la côte. Peu après, nous entrons dans une petite baie où deux phoques annelés nous observent de leurs rochers.

Phoques annelés
Phoques annelés

Une fois de retour à notre point de départ, Adrien dans ses jumelles retrouve l’ours toujours à l’eau, et distant d’un bon kilomètre de nous. On parvient à présent à le distinguer à l’oeil nu. On s’approche doucement, puis à plus faible distance une fois qu’il a mis pattes à terre. La règlementation en matière d’observation des ours polaire est très claire, et interdit de suivre un animal qui montre des signes de stress. Dans le cas de notre ours, il semble plutôt curieux, et pas du tout gêné de la présence de nos zodiacs en contrebas. Il se déplace à faible allure, se retournant de temps à autre pour nous observer. J’ai du mal à lâcher mon doigt du déclencheur de mon appareil photo. Mon objectif de 500mm permet de l’avoir plein cadre, de voir le détail de sa fourrure, de son museau, des son oreille, de ses dents, de ses yeux. Je suis fasciné, au moins autant que le jour où j’ai vu mon premier bonobo (Pan paniscus) sauvage en République Démocratique du Congo. Deux espèces charismatiques, très menacées, et difficiles à observer tant leur aire de répartition est inaccessible, ou presque.

Longtemps, l'ours évolue sur les rochers près de l'eau
Longtemps, l’ours évolue devant nous sur les rochers
Ours polaire 2
Il s’est ensuite remis à l’eau, puis nous l’avons laissé s’éloigner

La pluie s’était intensifié, mais le spectacle n’était pas encore terminé car les morses (Odobenus rosmarus) sont de sortie. Plutôt que de les voir amassés sur la plage, nous avons la chance incroyable de les toucher presque, alors qu’ils nagent à proximité de notre zodiac. Les jeunes mâles jouent, se cherchent, montrent les dents. Et c’est autre chose que les dents d’un chien, et même d’un doberman.

Ces jeunes morses on fait le spectacle à quelques mètres seulement du zodiac
Ces jeunes morses on fait le spectacle à quelques mètres seulement du zodiac

Je resterais bien là des heures, la nuit entière même puisque l’obscurité ne viendra pas avant des semaines. Les deux dernières heures ont été bien au delà de mes espérances tant le qualité d’observation des phoques, de l’ours et des morses a été grande. Pourtant, la faune du Spizberg ne s’arrête pas là, loin de là.

Il manquait encore une espèce de mammifères à l’appel pour clore le tableau de merveilles que nous avions rêvé de voir. Jusque là, les renards arctiques (Alopex lagopus) se sont montré discret. Et puis plus tard, lors d’une sortie en zodiacs dans le fjord du roi, ce n’est pas un, mais deux renards qui se mettent à jouer sur la plage, à quelques dizaines de mètres à peine de nos embarcations. Plein de fougues, ils courent, sautent, se cherchent, se cachent et nous émerveillent. Une fois encore, je relâche à peine mon doigt du déclencher de l’appareil photo.


Et les oiseaux ?
Enfin, le tableau faune ne serait pas complet si je ne mentionnais pas les oiseaux. On dit qu’on trouve ici la plus grande concentration de tout l’Atlantique nord. Au Svalbard, 164 espèces ont été répertoriées. Alors les ornithologues se régalent, mais inutile d’être un passionné d’oiseaux pour être stupéfait par leur nombre et la proximité que l’on a avec certains individus peu farouches. Cousin du petit pingouin (Alca torda), le macareux moine (Fratercula arctica) est pour beaucoup le plus joli en raison des couleurs vives de son bec.

Fratercula arctica
Macareux moine (Fratercula arctica)

Mais tous méritent le coup d’oeil, et puis il suffit de lever légèrement la tête pour en apercevoir, un, ou deux, ou bien plus. Sur les côtes, les oiseaux sont partout.

BUDGET

Alors bien sûr, c’est souvent là que cela coince. On peut savoir tout cela par coeur, être déterminé à s’y rendre, mais être bloqué par le budget conséquent qu’un tel voyage représente. Plusieurs compagnies en proposent au départ de la Norvège ou de l’Islande aux prix les moins élevés, mais sur des navires assez grands. Dans le cas d’une croisière avec un nombre de passagers plus limité, un accompagnement par des spécialistes qui proposent des conférences à bord et une attention toute particulière portée à l’observation de la faune, comptez entre 7000 et 10 000€ par personne au départ de Paris. Vous trouverez ici en exemple celles proposées en 2019 par Grands Espaces. Rendez-vous également sur le site développé par l’agence. Il s’agit d’une mine d’informations sur le Spitzberg, et pas seulement sur les ours polaires. Il s’agit probablement du meilleur et du plus complet site francophone sur le sujet. C’est ici.

Sachez que si vous souhaitez découvrir cet univers en kayak, l’agence Unghalak propose des séjours aventure au Spitzberg pour environ 2000€, au départ de Longyearbyen.

Je ne vous cite ici que les agences que je connais. Il existe d’autres possibilités que vous trouverez sans mal sur Internet. Sachez également que plusieurs bateaux chinois sont en cours de construction et que le tourisme de masse pourrait malheureusement se développer dans cette région du monde encore peu fréquentée.

L’office du tourisme norvégien propose ici par ailleurs de nombreuses excursions sur place. Si votre rêve est d’observer les aurores boréales, vous devriez trouver ce que vous chercher, en gardant en tête que ce n’est pas bon marché, du tout. Si vous comprenez l’Anglais, ou le norvégien, je vous invite à visiter le site de l’Institut polaire norvégien où vous trouverez de nombreuses informations sur les ours, mais pas seulement.

Alors à mon avis, un voyage au Spitzberg vous l’avez compris est incontournable. Malgré la somme conséquente qu’il faut débourser pour s’y rendre, je persiste à penser que le rapport qualité / prix est bon. Du moins tant que cet univers reste peu visité. Ne tardez pas, cela risque fort de ne pas durer !

Si vous souhaitez voir d’autres de mes photos, c’est sur Instagram, ici :

Et n’oubliez pas de me raconter votre expérience.
Renaud

Avec Aliénor, à Longyearbyen
Avec Aliénor, à Longyearbyen

 

 

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