Trek du Gokyo Une formidable alternative au trek du camp de base de l'Everest

Vous rêvez de partir crapahuter sur les sentiers montagneux du Népal ? Pas surprenant ! Lorsqu’on aime marcher, il est logique d’imaginer partir un jour faire un trek au pays des plus hauts sommets du monde.

Il suffit d’arpenter les rues du quartier touristique de Thamel à Kathmandu pour réaliser à quel point est grand au Népal le champ des possibles en matière de trek ! Une boutique sur trois vend du matériel de randonnée, original ou de contrefaçons, et presque autant proposent les cartes détaillées des parcours.

Pourtant, si le choix est aussi vaste que diversifié, la majorité des étrangers qui viennent ici n’a qu’un objectif, atteindre le camp de base de l’Everest. Alors c’est vrai, rejoindre ce lieu mythique a du sens. Le simple mot Everest évoque chez la plupart d’entre nous une véritable fascination. Rejoindre le point de départ qui porte déjà son nom est comme faire un peu partie du mythe. Et puis, il est vrai que le parcours accessible et généralement effectué en une douzaine de jours aller et retour est magnifique. Je peux en témoigner pour l’avoir moi-même effectué, il y a une dizaine d’années. Bon nombre de randonneurs couplent ce circuit avec celui du Gokyo. Un moyen de découvrir en une vingtaine de jours certains des panoramas les plus époustouflants qui soient. Vous verrez d’autres images sur Instagram.

Pour ma part, après 11 séjours au Népal, je ne peux que vous inciter à envisager une autre option, que je vais vous détailler ci-dessous. Car si le tourisme explose en de nombreux points du monde, le trek du camp de base ne fait pas exception. Durant la haute saison, qui court du début du mois d’octobre à début décembre, ce sont jusqu’à 3000 randonneurs qui se croisent chaque jour sur des sentiers parfois étroits. Autant dire l’équivalent d’un trottoir de centre-ville lors d’un marché de Noël. J’ai fait le choix de ne plus jamais vivre ce type d’expérience, préférant des sites peut-être moins exceptionnels (pas forcément) mais bien plus intéressants à mes yeux car (encore) hors des sentiers les plus empruntés par la foule.

Foule au camp de base
La foule se presse sur les sentiers menant au camp de base de l’Everest

Alors comme l’idée de ce site est de vous donner des idées de voyages et des conseils pour les réaliser dans les meilleures conditions, je ne peux que vous conseiller d’oublier le trek du camp de base et de choisir une alternative, comme le trek du Gokyo que je vais décrire ci-dessous et que je viens de réaliser avec mon amie, Aliénor, nos ami(e)s Clarisse et Hervé, Peshal notre guide et nos deux porteurs. Vous ne serez pas perdants côté sensations, paysages, et dépaysement, et vous y gagnerez largement en ce qui concerne le nombre de vos compagnons d’aventure. Bien sûr, vous ne marcherez pas au camp de base de l’Everest ni au sommet voisin du Kala Patar. Par contre, vous gravirez le pic du Gokyo, à 5360m d’altitude, vous verrez trois des lacs parmi les plus hauts du monde et vous aurez une vue à couper le souffle sur quatre des 14 sommets de plus de 8000 mètres, dont l’Everest. On y va ?

Pour commencer, voici le détail :

——-
Nom : Trek du Gokyo
Durée totale : 10 à 12 jours (Kathmandu à Kathmandu)
Distance totale : 100 kilomètres
Dénivelé positif total : 5 560m
Point le plus bas : 2610 m (Phakding)
Point le plus haut : 5 360m (Gokyo Ri)
Temps de marche total : entre 35 et 50 heures (nous en avons mis 37)
Lieu de départ et d’arrivée du trek : Lukla
Meilleure saison : Début octobre à mi décembre
Coût : À partir de 1200€ par personne (vol international non compris)
Vous trouverez au dessous de chaque étape, le logo Strava qui vous donne le détail de chacune des étapes en matière de distance, kilométrage et dénivelé. Vous avez même ma fréquence cardiaque en prime !
——-

JOUR 1

Kathmandu – Lukla (2840m)- Phakding (2610m)
Distance : 7,13 km – Temps : 2h01 – D+ : 251m (sur Lukla – Phakding)

La première étape consiste à quitter Kathmandu. Cela semble évident, mais ne l’est pourtant pas toujours. Si vous voyagez en pleine saison, c’est-à-dire de mi-octobre à début décembre, il est plus que probable que votre vol décollera comme prévu, même si l’heure de départ n’est pas souvent respectée. Si par contre, vous choisissez de venir en septembre, voire même tout début octobre, à une époque où peuvent encore subsister des restes de mousson et les ciels nuageux qui l’accompagne, les départs sont bien plus aléatoires. Je vous en dit plus à ce sujet dans la rubrique Pratique. Dans notre cas, le ciel à Kathmandu était dégagé, et les photos de l’aéroport de Lukla qui parvenaient à notre guide laissaient entrevoir un départ de la capitale assez rapide. Pourtant, de nombreux avions ont pris le départ, mais alors que se rapprochait l’heure de notre vol, le ciel à Lukla voyait monter de gros nuages épais rendant les atterrissages impossibles. Notre départ a rapidement semblé bien moins évident alors qu’à l’inverse, il semblait de plus en plus probable que nous passerions une nuit de plus à Kathmandu. Une situation finalement satisfaisante, tant l’état de santé de mon amie malade tout au long de la nuit ne semblait pas s’arranger. L’occasion de vous raconter quoi faire en cas de problème de santé important dans la capitale, cela toujours dans la rubrique Pratique.

Tout est revenu dans l’ordre au cours de la journée grâce au personnel médical du centre Ciwec et à un bon litre et demi de perfusion ! Nous nous sommes de nouveau rendus à l’aéroport le lendemain matin. Seulement voilà, si vous étiez prioritaire sur votre vol d’origine, ce n’est plus le cas lors d’un report. La priorité est donnée à ceux qui ont réservé ce nouveau vol en particulier. Votre place sera assurée sur les vols supplémentaires, et cela seulement bien sûr si le temps le permet. Dans notre cas pour assurer, c’est finalement en hélicoptère que nous avons effectué le trajet vers Lukla, en une cinquantaine de minutes de vol, contre 35 en avion. Là aussi je vous en dit plus dans la rubrique Pratique.

Le village de Lukla est situé à 2860 m d’altitude. Dès l’arrivée, vous faites connaissance avec vos porteurs qui se chargent de répartir vos sacs entre eux. La plupart des randonneurs entament avec leur guide leur trek directement, en particulier parce que la première étape est le village de Phakding, situé à trois heures de marche environ seulement. Il s’agit d’un magnifique parcours de mise en jambes. L’occasion de découvrir de petites étendues de cultures telles que pommes de terre, blé, maïs, et d’apercevoir des maisons sherpas. Le parcours monte, mais descend surtout, sans difficulté particulière. Lorsque le sentier monte et descend, c’est ce que les guides appellent un plat népalais. Un plat jamais vraiment plat, mais pas non plus complètement accidenté, vous comprendrez bien vite ! Au cours de cette première étape, on franchit pour la première fois la rivière Dudh-Koshi par un pont suspendu. Cette rivière blanche, d’où son nom de rivière (Koshi) de lait (Dudh), est la plus élevée du pays. À plusieurs reprises, vous passerez des Stupas, ou Chörten, ces monuments funéraires du bouddhisme par excellence qu’il vous faudra toujours contourner par la gauche. Si vous avez lu Tintin au Tibet, cela doit vous rappeler des souvenirs.

Une fois à Phakding, vous vous installerez dans votre tout premier lodge. Vous prendrez votre dîner dans la salle commune où les tables sont installées autour d’un poêle central. Au dîner, le choix sur le menu vous semblera large, mais profitez, car dans quelques jours vous aurez l’impression de manger toujours la même chose.
download

JOUR 2

Phakding (2610m) – Namche Bazar (3440m)
Distance : 12,10 km – Temps : 4h10 – D+ : 1156m 

Nous entamons cette nouvelle étape peu après le lever du soleil, après avoir pris un thé ou un café bien chaud dans la salle commune du lodge. Nos porteurs partent peu avant nous. Les marcheurs des différents lodges partant tous à peu près en même temps, nous sommes très nombreux sur le sentier. Le parcours valloné est particulièrement joli, et le plus souvent ombragé dans les forêts de rhododendrons que nous traversons. Le premières montagnes aux sommets enneigés font leur apparition, au loin dans le paysage.

Au loin apparaissent les premiers sommets enneigés
Au loin apparaissent les premiers sommets enneigés

Nous alternons quelques passage de plat, avec de bonnes montées et de rares descentes courtes. Incontestablement, cette étape monte, parfois par de longues marches de pierre. Le soleil tape fort dès que nous quittons la protection des arbres et la fraicheur de la rivière que l’on suit. Nous doublons de nombreux groupes de marcheurs. J’ai chaud en short et T-shirt, et suis toujours surpris de voir les randonneurs chinois dont pas un centimètre carré de peau n’apparait. Ils portent des gants, un chapeau large qui couvre la nuque et ont toujours des bâtons. Je m’arrête souvent pour faire des photos, et retire alors parfois mon sac afin de changer d’objectif. Quelques belles chutes ponctuent notre progression.

Sur cette seconde étape, la végétation est encore largement présente, et nous permet de progresser le plus souvent à l'ombre
Sur cette seconde étape, la végétation est encore largement présente, et nous permet de progresser le plus souvent à l’ombre

Nous faisons plus loin un arrêt obligatoire à l’entrée du parc national de Sagarmatha, le nom donné au mont Everest en Népalais. C’est là que Peshal, notre guide fait la queue afin de s’acquitter de nos droits d’entrée. Nous nous remettons en marche après une bonne demie-heure et passons notre premier pont suspendu de la journée pour rejoindre Jorsale, où nous déjeunons. Nous avons alors parcouru plus de la moitié de l’étape du jour. Nous passons peu après le pont suspendu le plus haut du trek, le pont Larja. Il surplombe l’ancien pont aujourd’hui abandonné.

Le pont Lazrja est le plus haut de ceux que l'on passe sur le trek du Gokyo, ou du camp de base de l'Everest
Le pont Larja est le plus haut de ceux que l’on passe sur le trek du Gokyo, ou du camp de base de l’Everest

Plus loin dans une grosse montée, plusieurs dizaines de marcheurs sont arrêtés au premier point de vue sur l’Everest. Pas moyen de le voir cependant, il est complètement caché par d’épais nuages d’altitude. La montée se poursuit dans la forêt de rhododendrons et ça monte vraiment. Certains marcheurs sont scotchés dans la pente. On quitte encore la forêt de manière intermittente pour passer en plein soleil sur la dernière portion du parcours. Les premières maisons font leur apparition à flanc de montagne. Nous cheminons encore parfois sur de grandes marches de pierre.

Les marches ponctuent cette seconde journée et facilitent les montées
Les marches ponctuent cette seconde journée et facilitent les montées

Puis, au détour d’un virage à droite apparait Namche Bazar, la capitale des sherpas. Ce village de 400 âmes est devenu le lieu d’acclimatation de tous les randonneurs en marche sur les treks de la région, et principalement celui du camp de base de l’Everest. Une fois là, tous les marcheurs ou presque y passent une journée complète de repos afin de permettre aux organismes de s’habituer à l’altitude.  Nous sommes ici à 3440 mètres, et malgré sa petite taille, Namche propose toutes les infrastructures nécessaires pour cela. Il y a aujourd’hui ici plus de lodges que d’habitations, mais aussi quelques bars, cafés et de nombreuses boutiques même si les prix ont doublé depuis Kathmandu. On s’installe à l’Ama Dablam lodge, on prend une douche bien chaude, on dîne, on joue aux cartes et on se plonge dans nos duvets sans demander notre reste avant 21 heures.download

JOUR 3

Namche Bazar (3440m)- Jour d’acclimatation
Distance : 3,91 km – Temps : 2h30 – D+ : 239m

Les chiffres de cette étape du jour ne sont donnés là qu’à titre indicatif, puisque chacun fait bien ce qu’il veut de cette journée d’acclimatation. Alors libre à vous de ne pas quitter le lodge, ou sa terrasse si elle est ensoleillée. Vous pouvez également faire la boucle menant à Khumjung, au nord du village, ou visiter l’un des musées de Namche, surtout le très intéressant musée Sherpa. Nous avons choisi de faire une balade tranquille, et de nous rendre au point de vue sur l’Everest et le Lhotse. Il est situé au sein du quartier général des autorités du parc, à une quinzaine de minutes à peine au dessus de Namche. L’endroit compte aussi un petit musée gratuit, et vieillot, sur le parc national et depuis peu, une statue de Tensing Norgay. Il est le sherpa népalais d’origine tibétaine qui le premier, avec Edmund Hillary, a rejoint le sommet de l’Everest, le 29 mai 1953. Le ciel est dégagé et la vue époustouflante. On distingue en effet très bien ce matin là le toit du monde, qui culmine à 8848m, et le Lhotse, quatrième plus haut sommet de la planète avec 8516m.

À gauche au second l'Everest, puis devant sur laq droite, le Lhotse
Au centre au second plan, l’Everest, puis devant sur la droite, le Lhotse et au premier plan en bas, le sentier de trek que nous emprunterons demain

Après une bonne heure passé à nous émerveiller, nous gardons le sentier haut de Namche afin de contourner le village, tout en ayant sur lui une vue plongeante. Cet endroit m’a toujours fasciné, même bien avant que je n’y vienne, et j’apprécie d’avoir le loisir d’y passer la journée. Nous montons jusqu’à la piste des hélicoptères d’où la vue est très belle, puis nous redescendons doucement à notre lodge pour y déjeuner. Nous faisons rapidement le tout du petit centre dans l’après-midi, effectuons quelques achats supplémentaires et rentrons terminer la journée à l’abri.

Namche, depuis la piste des hélicoptères
Namche, depuis la piste des hélicoptères

JOUR 4

Namche Bazar (3440m) – Dole (4200m)
Distance : 11,65 km – Temps : 6h30 – D+ : 1187m

Nous quittons notre lodge après le petit déjeuner, vers 7h45. La sortie du village se fait par une montée de marche. Nous laissons l’école sur notre droite, passons à proximité des bureaux du parc national puis débouchons sur un joli chemin qui serpente à flanc de colline. Le Lhotse nous apparait par endroits complètement dégagé devant nous, alors que l’Everest est noyé dans les nuages. Il y a du monde sur ce sentier, par endroits, nous sommes un peu les uns sur les autres. Il s’agit là de la dernière portion commune avec le trek du camp de base de l’Everest. Nous marchons la plupart du temps au soleil sur un chemin plutôt montant, et passons plusieurs gros stupas. La vue sur l’Ama Dablam est aussi splendide. Plus en contrebas, on aperçoit également le magnifique monastère de Tengboche, qui marque la fin de l’étape de ce jour pour ceux allant vers le camp de base de l’Everest. Dans une forêt de Rhododendrons, une pancarte indique Gokyo, et nous invite à quitter ce sentier pour un chemin de marches en pierre. La vraie surprise, c’est que nous changeons soudain totalement d’ambiance. D’un sentier foulé par un grand nombre de marcheurs, nous nous retrouvons seuls. Il va s’écouler plus d’une demie-heure avant que nous ne croisions un porteur. Certaines portions de marches au bord du vide sont absolument splendides. On a l’impression de monter vers les nuages. Je m’arrête souvent faire des photos. Nous cheminons à présent sur un sentier à flanc de montagne, alors qu’apparait au détour d’un virage le minuscule hameau de Mong, qui marque le sommet de cette longue ascension. Ça monte bien, et je le sens.

À Mong, nous faisons une pause pour boire et manger un peu, puis entamons une longue descente par endroits technique. Nous croisons notre premier groupe de randonneurs depuis la jonction. Au loin, apparait le très beau village de Phortse, où nous nous arrêterons pour la nuit au retour. Dans ce village, plus de 80% des hommes sont allés au sommet de l’Everest. Il semble posé au bord du vide, à flanc de montagne. Nous traversons une nouvelle forêt de rhododendrons puis évoluons à nouveau sur un sentier découvert. La végétation nous abrite par moment du soleil.

Yak dans la pente aux abords de Dole
Yak dans la pente aux abords de Dole

En contrebas, nous voyons la rivière Dudh. Nous marchons un bon moment encore, pensant à chaque virage apercevoir les maisons de Dole. Je trouve la fin de ce parcours un peu longue, mais me délecte du paysage encore dégagé. Et puis aussi, nous sommes seuls sur ce sentier. Dole apparait enfin. Ici, juste quelques lodges et abris pour les bêtes. Sur plusieurs bâtiments, la bouse de yak rassemblée en galettes sèche au soleil. Ce soir on fait une folie, on s’offre la dépense d’une douche, d’un sceau d’eau bouillante plutôt, mais ce que c’est bon !

Bourg de Dole
Bourg de Dole

download

JOUR 5

Dole (4200m) – Machherma (4470m)
Distance : 5,12 km – Temps : 2h16 – D+ : 473m

Rejoindre Machherma de Dole est un simple saut de puce, pour ceux comme nous qui n’ont pas passé la nuit à Mong. Après l’habituel petit déjeuner vers 7 heures, avec pour moi un pancake à la banane et un thé citron miel gingembre, nous nous mettons en marche sous un ciel couvert. Le sentier monte dès le départ assez fortement, puis à nouveau, se déroule à flanc de montagne. La rivière coule bruyamment en contrebas, mais on la devine plus qu’on ne la voit. Nous progressons dans une purée de pois plus ou moins dense. À aucun moment ce matin là, le ciel ne s’est dégagé pour nous permettre d’admirer le panorama.

Nous parvenons au lodge de Machherma, à 4440m, peu après 10h30. Nous sommes tentés de doubler l’étape et de gagner Gokyo dès aujourd’hui. Cependant, le ciel qui s’assombrit et les premières gouttes de pluie nous incite à nous arrêter pour de bon. On pose nos affaires et on prend une douche. La journée va être longue, alors on se détend, on joue au carte, je rédige mon journal, et une fois de plus après un plat de pâtes, on se couche comme les poules. Dehors, il pleut des trombes d’eau.
download

JOUR 6

Machherma (4470m) – Gokyo (4790m)
Distance : 7,93 km – Temps : 3h10 – D+ : 489m

Comme chaque nuit, c’est une envie pressante qui me réveille vers 3 heures. La pluie s’est arrêtée. Je me pousse pour sortir du sac de couchage, mets un boxe, un T-shirt et je glisse mes pieds dans mes chaussures de trail. Aliénor à mes côtés dort comme un loir, la tête couverte de son bonnet. Une fois dans le couloir où il n’y a pas le moindre bruit, je lève les yeux par les fenêtres afin de voir le ciel. Il est noir, et couvert d’étoiles. Je souris largement, passe la porte et monte quelques marches afin de délecter du paysage. Je devine les sommets autour de moi. Le nombre d’étoiles est époustouflant, pas la moindre lumière parasite à des (dizaines de) kilomètres. Je reste un moment dehors, il ne doit pas faire moins de 5 ou 6 degrés. Quand je regagne mon duvet, il me semble sourire encore. Il est plus que probable à présent que nous marcherons demain avec une vue totalement dégagée. Au réveil, le soleil lèche déjà les sommets environnants. Il fait frais dehors, mais avant de déjeuner, je me promène autour du lodge pour faire quelques photos.

Le hameau au lever du soleil
Le hameau au lever du soleil

L’étape du jour n’est pas difficile. Je ne sens pas l’altitude et mes compagnons de trek n’en souffrent pas davantage. Et ce malgré l’absence totale des arbres depuis hier. On profite du paysage exceptionnel, du soleil et de la douceur de l’air. Le sentier longe la rivière. Je m’arrête souvent pour admirer la vue. Impossible de s’en lasser.

Le sentier vers Gokyo
Le sentier vers Gokyo

À quelques reprises, nous progressons par des passages de grandes marches de pierre, puis passons la rivière par un petit pont. Un pika de l’Himalaya (Ochotona himalayana) vient se donner en spectacle. Durant plusieutrs minutes, ce petit mammifère lagomorphe alterne apparitions brèves sur les rochers avec disparitions derrière eux. À mi chemin, nous dépassons sur notre gauche le Lonspunga Tso, le premier lac. D’une superficie de 14 hectares, cette étendue d’eau est la première des six reparties sur le sentier menant au camp de base du Cho Oyu, à environ 5 heures de marche. Ces lacs à l’eau turquoise sont les plus hauts du monde, et contribuent incontestablement à la beauté exceptionnelle de la région.

À l'entrée du hameau de Gokyo, derrière nous, le Cho Oyu, 8201M
À l’entrée du hameau de Gokyo, derrière nous, le Cho Oyu, 8201m

Puis le hameau tant convoité, tant attendu, apparait enfin. Il est bordé par le Gokyo Tso, le quatrième lac, d’une superficie de 43 hectares. Derrière lui, le sentier qui monte au pic et en arrière pan, la magnifique masse du Cho Uyu, l’un des 14 sommets de plus de 8000m. Nous nous arrêtons faire quelques photos de plus, on se régale du paysage. Derrière la masse de pierre qui longe le sentier sur la droite, le glacier Ngozumpa. À cette époque de l’année, il ne s’agit en apparence que d’une longue étendue d’énormes cailloux de 36 kilomètres de long. En apparence seulement, car la glace permanente est présente au dessous. Il s’agit du plus long glacier des Himalayas.

Gokyo et sur la gauche, le sentier menant au pic
Gokyo et sur la gauche, le sentier menant au pic

Nous allons nous poser une heure ou deux au lodge avant d’entamer l’ascension du pic. J’aimerais faire des photos avec la lumière du moment. Elles seraient différentes de celles que nous pourrons faire demain matin au lever du soleil. En effet, le soleil se lève derrière l’Everest alors qu’à l’heure actuelle et si le ciel reste dégagé, il sera parfaitement éclairé. Alors on s’installe au lodge, sur les cousins installés dans le coin ensoleillé de la salle de restaurant. De là, on voit très distinctement le lac, comme le sentier menant au pic. On déjeune, on descend une théière et on se prépare à l’ascension ne portant que de l’eau, des barres énergétiques et le matériel photo. Pour ma part cela signifie un boitier numérique et trois objectifs 2.8, un 16-35, un 28-70 et un 70-200, en plus de mon Iphone 8 dont je me sers presque autant, en particulier pour les panoramiques et les vidéos.download

JOUR 6 – 2

Pic du Gokyo, ascension partielle et descente
Distance : 2,52 km – Temps : 2h23 – D+ : 363m

Les nuages sont plus nombreux alors que nous entamons tous les quatre l’ascension du Gokyo. Ils se rapprochent du sommet et le couvre parfois. Je progresse doucement, m’arrêtant volontairement souvent pour souffle, mais aussi pour regarder la vue. Celle-ci est de pus en plus belle au fur et à mesure que nous montons. Je fais beaucoup de photos des lacs en contrebas et du hameau de Gokyo dont on distingue tout du long très bien les bâtiments. Le chemin bien délimité et facile à suivre est le plus souvent couvert de cailloux. Aliénor s’arrête pour m’attendre, mais je me refuse à aller plus vite tant je veux garder mes forces pour l’ascension de demain matin. Si le ciel reste partiellement bleu, les nuages deviennent plus abondants. Parfois même, ils cachent quelques instant le lac et le hameau en contrebas. Hervé et Clarisse ont disparu dans les virages qui nous surplombent. Aliénor est assise patiemment sur un gros caillou au dessus de moi alors que je me décide à faire demi-tour. Inutile il me semble d’aller au sommet, le plafond descend et la vue se bouche de plus en plus bien qu’elle soit encore à cette altitude absolument somptueuse. Aliénor reste avec moi, et tranquillement nous prenons le sentier en sens inverse. Nous marchons une demie heure, puis nous installons sur des rochers plats afin de profiter du paysage un bon moment. Ce soir nous dînons puis nous couchons tôt. Il fait plus froid, à peine quelques degrés au dessus de zéro dans notre chambre. On prépare nos affaires pour le lendemain, vérifions les lampes frontales, faisons le plein des bidons et nous endormons rapidement.

La vue sur Gokyo alors que les nuages gagnent peu à peu
La vue sur Gokyo alors que les nuages gagnent peu à peu

JOUR 7

Pic du Gokyo, ascension du pic (5360m)
Distance : 1,92 km – Temps : 1h42 – D+ : 599m

Lorsque le réveil sonne, on se regarde un peu incrédule. Il est 3 heures du mat et s’extraire de nos duvets nous demande quelques minutes. On s’habille rapidement, on vérifie que tout est là puis on quitte la chambre et retrouvons Peshal, notre guide devant la porte du lodge. Hervé et Clarisse qui sont montés la veille ont décidé de rester, et de nous rejoindre pus tard dans notre descente. On allume les frontales et on se met en marche. Le ciel est comme à Machherma, constellé d’étoiles toutes plus brillantes les unes que les autres. Nous partons doucement, avec pour objectif de parvenir au sommet au plus tard à 6 heures, pour le lever du soleil. Nous sommes les premiers debout et surtout, les premiers sur le chemin. Autour de nous, les formes fascinantes des montagnes environnantes se dessinent dans la nuit. Sous nos pieds, le givre craque par endroits. Je ferme la marche, mais les sensations sont bien meilleures que celles de la veille. Nous faisons une pause au bout d’une demie-heure pour nous déshabiller un peu. On distingue très clairement en contrebas, peu après le hameau de Gokyo, un petite ligne de lampes. Ils sont loin et nous progressons bien sur ce parcours qui se fait habituellement en 2 à 3 heures. Régulièrement, toutes les 5 à 10 minutes, on boit une gorgée de nos bidons. Aliénor mène le train et accélère. Je la suis à une vingtaine de mètres et Peshal ferme la marche deux ou trois lacets derrière moi. La seconde partie du parcours me semble plus facile, peut-être parce que l’envie d’être en haut devient plus pressante à chaque virage. Devant nous comme derrière, pas le moindre signe de présence à l’exception de quelques rares insectes et oiseaux. La lumière devient plus forte, on étaient nos frontales et apercevons à présent distinctement les drapeaux à prière qui marquent le sommet du pic du Gokyo. Aliénor y parvient quelques minutes avant moi, en 1h38. On retire nos vêtements mouillés pour en passer des secs et puis on s’émerveille ! Le spectacle auquel nous avions tant pensé au cours des semaines et des mois précédents est à la hauteur de nos espérances. Et puis nous sommes seuls ! Face à nous, les formes caractéristiques de l’Everest (8848m), du Lhotse (8501) et du Makalu (8463) s’offrent à nous encore dans la pénombre.

A gauche, l'Everest, puis le Lhotse et juste à ma gauche plus bas, le sommet du Makalu
À gauche, l’Everest, puis le Lhotse et juste à ma gauche plus bas, le sommet du Makalu  – © Peshal Kattel

Pourtant, ce panorama exceptionnel est loin de s’arrêter là. Derrière moi à gauche le Cho Oyu (8153 m), mais aussi le Gyachung Kang (7922 m), le Changtse (7553 m), le Cholatse (6440 m), le Taboche (6367 m), le Kangtega (6685 m) et le Tamserku (6608 m)… Je saute d’un rocher à l’autre, fais des photos, des vidéos, regarde bouche bée ce spectacle absolument exceptionnel.

Au sommet du Gokyo, alors que nous sommes encore seul; le soleil apparait à droite du Mont Lhotse
Au sommet du Gokyo, alors que nous sommes encore seuls, le soleil apparait à droite du Mont Lhotse

On ne sent pas vraiment le froid, et pas davantage le manque d’oxygène. Nous sommes tout simplement éblouis par ce que nous voyons. J’ai du mal à rester en place tant la lumière qui monte change le spectacle presque à chaque instant. Le silence est total, jusqu’à ce qu’un petit groupe nous rejoigne.

Et puis la lumière monte, et le panorama offre toute l'étendue de sa splendeur
Et puis la lumière monte, et le panorama offre toute l’étendue de sa splendeur. En bas à gauche du lac, le hameau de Gokyo

Nous passons une heure au sommet. Nous resterions bien la matinée entière, mais déjà, il nous faut redescendre tant est encore longue la journée qui nous attend. En effet. C’est dans le village de Phortse que nous avons prévu de passer la nuit, et il est encore bien loin. download

JOUR 7 -2

Pic du Gokyo, descente du pic
Distance : 1,92 km – Temps : 1h07 – D+ : 12m

Lors de la descente, nous croisons bon nombre de randonneurs en montée. On échange quelques mots et poursuivons notre chemin. À la moitié environ, nous retrouvons nos amis. On profite du soleil pour faire quelques photos de plus avec le lac derrière nous, et nous regagnons notre lodge pour un copieux petit déjeuner. Puis, nous faisons une fois de plus nos sacs que nous confions à nos porteurs et on attaque la seconde étape du jour. download

JOUR 7 -3

Gokyo (4730m) – Phortse (3810m)
Distance : 16,43 km – Temps : 6h10 – D+ : 516m

C’est encore accompagné par le soleil que pour la première fois, nous rebroussons chemin. C’est plaisant de découvrir le paysage dans l’autre sens. Cette fois les lacs sont sur notre droite et la rivière à notre gauche.

Sur le retour, le paysage est toujours aussi enivrant
Sur le retour, le paysage est toujours aussi enivrant
Assez rapidement, le ciel se couvre
Cependant, assez rapidement le ciel se couvre

Plus loin, nous choisissons l’option d’un passage par l’autre côté de la rivière pour rejoindre le village de Phortse. C’est plus long, parfois sur des sentiers étroits au dessus de la rivière en contrebas, mais c’est un chemin nouveau pour nous. Même si les nuages qui montent laissent penser que nous ne profiterons pas du paysage à sa juste mesure, on passe la rivière juste avant Longpopo et nous nous engageons sur ce sentier peu fréquenté à cette saison. Le parcours est assez accidenté. Pas de côte interminable, mais une étape qui ne cesse de monter et de descendre. Je traîne parfois un peu les pieds alors qu’Aliénor se retourne et m’attend.

Le sentier monte et descend, et chaque virage à gauche laisse entrevoir un nouveau profil similaire
Le sentier monte et descend, et chaque virage à gauche laisse entrevoir un nouveau profil similaire
ce parcours longe la rivière Dudh de plus ou moins haut
ce parcours longe la rivière Dudh de plus ou moins haut

En raison du ciel bouché et du peu de végétation sur les trois quart du parcours, nous trouvons tous ce parcours un peu long. Cela devient plus plaisant sur les derniers kilomètres, alors que les arbres réapparaissent presque soudainement. La végétation redevient riche et les fleurs nombreuses et colorées par endroit. Au cours de cette étape, nous allons descendre 980m depuis Gokyo, alors que ma montre indique en arrivant à Phortse : 516m de dénivelé positif. Des chiffres bien caractéristiques d’une étape montant et descendant sans cesse. Lorsque je pose mon sac photo au lodge, je suis vanné.download

JOUR 8

Phortse (3810m) – Jorsale (2740m)
Distance : 14,52 km – Temps : 5h34 – D+ : 629m

Nous quittons Phortse en tout début de matinée. Ce village, difficile d’accès est le domicile d’un grand nombre de vainqueur de l’Everest. Plus de 80% des hommes habitant ici y seraient monté. Au lodge où nous avons dormi, ils vendent même des T-shirts le relatant. Nous traversons une magnifique forêts de rhododendrons par un sentier qui descend jusqu’à la rivière. Bien que l’on s’arrête souvent afin de regarder la végétation et de guetter un animal potentiel, nous y parvenions vite. Puis de là, le sentier remonte fortement jusqu’au bourg de Mong, qui marque le col. La montée est belle également, avec dans notre dos le village qui nous abritait pour la nuit qui apparait nettement, à flanc de montagne, avec derrière lui le sommet caractéristique de l’Ama Dablam.

Derrière nous l'Ama Dablam et devant lui, le village de Phortse
Derrière nous l’Ama Dablam et devant lui, le village de Phortse

Après Mong, la descente à flanc de montagne est longue jusqu’à la jonction qui rejoint le sentier menant au camp de base de l’Everest. À partir de là, nous ne sommes plus seuls et croisons à nouveau de nombreux randonneurs, qui viennent s’ajouter à des troupeaux de yaks. Le ciel est partiellement dégagé et la température monte.

Sur le sentier à flanc de montage peu avant Namche
Sur le sentier à flanc de montage peu avant Namche

Nous parvenons à notre lodge de Namche en un peu moins de 4 heures. Nous allons y déjeuner, mais aussi récupérer des affaires, dont du linge sale, laissés lors de la montée. Nous prenons notre temps, profitons du wifi, déjeunons léger puis nous remettons en chemin vers Jorsale, à 4,6 kilomètres, où nous avons décidé de nous arrêter pour la nuit. Nous allons descendre 800 mètres de dénivelé (et en monter 61), en à peine 1h40. Une fois encore, nous croisons de très nombreux randonneurs, certains par groupes de plus d’une vingtaine de personnes. Nous repassons l’impressionnant pont Larja puis nous installons à notre lodge à Jorsale. Il fait doux, et même le soir, je supporte le T-shirt à manches courtes sans mal. Nous prenons une douche et passons un moment dans la cuisine du lodge. Nous achetons et mangeons un morceau de formage de Nak, la femelle du yak, puis allons nous coucher, un peu plus tard que les jours précédents, bertcés par le bruit de la rivière qui passe à quelques pas.

Dans la cuisine du lodge, nous achetons du fromage de nak
Dans la cuisine du lodge, nous achetons du fromage de nak

downloaddownload

JOUR 9

Jorsale (2740m) – Lukla (2840)
Distance : 14,67 km – Temps : 4h54 – D+ : 739m

Au petit déjeuner, on sent que l’arrivée est proche, nous prenons notre temps. On discute pas mal, on s’arrête pas mal également, on fait des photos, on profite ! Le parcours monte encore pas mal, mais rien n’est vraiment dur ce dernier jour. Nous quittons plus loin le parc national,  puis dépassons Phakding, où nous avions dormi la première nuit.

L'encens, que l'on sent presque partout dans les rues de Kathmandu est le plus souvent absent des sentiers de randonnées et des lodges
L’encens, que l’on sent presque partout dans les rues de Kathmandu est le plus souvent absent des sentiers de randonnées et des lodges

À plusieurs reprises, nous laissons passer d’autres groupes de yaks dont certains sont très chargés. On parle de boire bientôt un vrai café, et de manger autre chose que des pâtes et du riz.

Yaks Chheplung
Puis c’est Lukla, le terme de notre trek. Nous traversons la rue principale de ce minuscule village. Il est à peine plus de midi. On se tape dans les mains, on rie, puis on s’installe au lodge, on prend une douche dans notre chambre et on part manger « en ville ».

L'entrée dans Lukla, point final de notre trek
L’entrée dans Lukla, point final de notre trek

download

JOUR 10

Retour sur Kathmandu (1400M)

Bhaktapur
À l’approche de Kathmandu, au dessus de Bhaktapur

th-1

 

Commentaires

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *